Le balbuzard peut voler sur place, plonger d’une hauteur de 40 mètres, saisir une proie de 1,5 kilo, puis s’envoler sans qu’elle ne puisse s’échapper de ses serres. Tout cela pour répondre à ses besoins alimentaires, reproducteurs et de survie de sa progéniture.
Texte : Pierre André
Photos : Luc Laberge
Le Balbuzard pêcheur (Pandion haliaetus) fut décrit pour la première fois par Linné en 1758. Piscivore reconnu, plus de 99% de son alimentation se compose de poisson vivant, qu’il capture en eau peu profonde, autant dans les milieux d’eau douce et saumâtre, que marin. Pas surprenant qu’il soit fort bien adapté pour pêcher efficacement.
Le balbuzard utilise deux techniques de pêche, soit il demeure à l’affût depuis un perchoir, soit il repère le poisson en survolant le milieu. Quand il perçoit une proie, en général, il tourne en ronds autour d’elle d’une hauteur de 10 à 40 mètres, fixe bien sa cible en faisant du surplace, avant de plonger tête et serres premières pour la saisir. Bien qu’il touche l’eau de tout son corps et ne disparaisse momentanément sous l’eau qu’à de rares occasions, le balbuzard peut quand même décoller, en secouant ses ailes, avec une proie dont le poids équivaut à 10 à 30%, voire 50% de sa masse corporelle. Ses ailes allongées et étroites de même que ses plumes denses et fortement huilées assurent un bon écoulement de l’eau.
Le balbuzard ne capture pas un poisson à chaque plongeon. En moyenne, il s’envole avec une proie 25% du temps (une fois sur quatre), avec un taux de succès parfois remarquable de 80% (4 fois sur 5). Si ses proies mesurent en moyenne de 25 à 35 cm et pèsent 150 à 300 grammes, des chercheurs estiment qu’il peut décoller avec des poissons de 2 kilos.



Ses pattes sont remarquablement bien adaptées pour capturer et maintenir en place sa proie. Le balbuzard a quatre orteils, comme la majorité des Accipitridés, famille de rapaces diurnes à laquelle il appartient. Trois sont orientés vers l’avant, un vers l’arrière. Ce qui le démarque toutefois des aigles, des buses et des milans, c’est sa capacité de pivoter son orteil avant extérieur, pour l’orienter vers l’arrière. Dans cette configuration 2×2, l’oiseau peut mieux tenir sa proie visqueuse entre ses serres et la tenir tête première dans la direction du vol, question d’aérodynamique. Pour être encore plus efficace, il a les pattes assez longues et les orteils allongés, terminés par une longue griffe fortement recourbée. À la base de chaque griffe se trouve une protubérance munie de petites dents, les spicules. Ces structures agissent comme l’ardillon d’un hameçon, empêchant le poisson, même le plus combatif, de se libérer.
Il n’est pas facile pour le balbuzard d’apprécier la taille d’une proie depuis la hauteur de laquelle il plonge. Parfois, le poisson est trop gros pour qu’il puisse le transporter. Dans ce cas, il le relâche tout simplement. Toutefois, il arrive à de très rares occasions – il n’y aurait que quelques cas documentés –, qu’il ne soit pas en mesure de le laisser tomber, en raison possiblement d’un spasme musculaire, selon une hypothèse avancée par un chercheur. Alors, l’oiseau s’épuise progressivement, au point d’être entraîné dans la mort avec sa proie.
Dès qu’il est en mesure de se reproduire, durant son 3e été, le mâle courtise la femelle en lui offrant à manger. On a longtemps cru que celle-ci troquait une copulation pour un poisson. Ceci a été démenti par divers chercheurs. Toutefois, ce comportement d’offrande exercerait une influence entre autres sur la probabilité qu’il y ait une couvée, la durée de la cour et la synchronicité des éclosions. La femelle accepte la nourriture du mâle depuis son arrivée sur le site de reproduction, jusqu’à la fin de la ponte. Puis, durant la couvaison, le mâle apporte le poisson au nid, non sans d’abord avoir assouvi sa faim, au besoin. La femelle se substante et partage la nourriture en morceaux entre ses 2 à 4 oisillons. Pour répondre aux besoins de la couvée, le mâle rapporte à l’aire, 2 ou 3 poissons par jour en moyenne. Il subvient à leurs besoins alimentaires jusqu’à ce que les jeunes quittent le nid, alors qu’ils ont entre 44 et 59 jours, et même jusqu’à ce qu’ils puissent pêcher par eux-mêmes.
Fascinant, le balbuzard pêcheur, n’est-ce pas?
Références
Birkhead, T.R. et C.M. Lessells, 1988. Copulation behaviour of the osprey Pandion Haliaetus. Animal Behaviour, 36: 1672-1682.
Godfrey, W.E., 1972. Encyclopédie des oiseaux du Québec. Éd. de l’Homme.
Green, D.J. et E.A. Krebs, 1995. Courtship feeding in Osprey Pandion Haliaetus: a criterion for mate assessment? IBIS, 137: 35-43.
Harnois, M. et R. Turgeon, 2012. Oiseaux de proie du Québec et de l’Est du Canada. éd. Michel Quintin. NDLR: Un excellent ouvrage pour vous, ornithologues amateurs du Québec et de l’Est du Canada.
Husby, M. (2020). Osprey observed when drowned by its prey. Ornis Norvegica, 43, 28-31. doi: 10.15845/on.v43i0.3066
Stokes, D.W. et L.Q., 1990. Nos oiseaux, tous les secrets de leur comportement. Tome III, éd. de l’Homme.
Winkler, D. W., S. M. Billerman, and I.J. Lovette, 2020. Osprey (Pandionidae), version 1.0. In Birds of the World (S. M. Billerman, B. K. Keeney, P. G. Rodewald, and T. S. Schulenberg, Editors). Cornell Lab of Ornithology, Ithaca, NY, USA. https://doi.org/10.2173/bow.pandio1.01, Consulté: 09/04/2022.