Bon nombre de garrots passent l’hiver sous nos lattitudes. Si le Garrot à œil d’or est très présent dans la région métropolitaine, il arrive assez fréquemment qu’un ou qu’une Garrot d’Islande se glisse dans un groupe de Garrot à oeil d’or. Sauriez-vous les reconnaître?
Texte: Pierre André
Photos: Luc Laberge, Pierre André et Claude Dubé
Dans cet article, nous présentons les critères utiles pour différencier les mâles, les femelles et les hybrides de ces deux espèces. D’entrée de jeu, soulignons qu’en hiver, ces garrots sont pour la majorité des adultes, accompagnés de quelques mâles et femelles de 1er hiver, des immatures qui ressemblent aux femelles adultes. Cela génère donc des différences entre les individus auxquelles il convient de porter attention.
Les mâles
Plusieurs critères permettent de distinguer le mâle du Garrot d’Islande (GAIS) de celui du Garrot à œil d’or (GAOO) et des hybrides. Cliquez ici pour examiner la collection de photos de GAOO et de GAIS sur eBird.
- D’abord, le GAIS arbore un croissant blanc derrière le bec alors que le GAOO affiche plutôt une tache ovale ou ronde. Attention: le GAOO mâle de 1er hiver peut présenter le début d’une tache qui peut avoir l’apparence d’un croissant. Toutefois, elle ne sera jamais aussi blanche et délimitée que le croissant du GAIS.
- Ensuite, il y a la couleur et la forme de la tête. D’une part, sous un bon éclairage, la tête du GAIS présente des reflets iridescents violacés et celle du GAOO, des reflets verdâtres. D’autre part, chez le GAIS, le front est plus abrupt et le bec plus court, plus large et plus épais que celui de son cousin, du moins en apparence, car l’étendue des tailles se chevauchent pour ces deux espèces. La configuration générale de la tête du GAIS lui donne l’allure d’être projetée vers l’avant ou d’avoir la face aplatie, une observation amplifiée par les longues plumes derrière la tête qui gonflent quand elles sont sèches..
- Puis, posé sur l’eau, l’Islandais est dans l’ensemble plus noir que l’Oeil d’or. Vu de côté, le GAIS présente une ligne noire assez épaisse, visible de loin, qui part du dos et descend entre la poitrine et l’abdomen.
- Enfin, à la base de l’aile, côté dorsal, nous observons généralement chez le GAIS, entre 5 et 7 notes blanches visibles, séparées de notes noires plus minces. Une bande noire épaisse semble retenir ces notes, l’ensemble rappellant un petit clavier de piano.






Légende: (1 à 4) Mâles GAIS avec toutes les caractéristiques décrites. On voit bien aussi le trait noir à la base des rémiges secoondaires (la lentille blanche sous le « piano » (5 et 6) De loin, la ligne noire et large entre la poitrine et l’abdomen se voit bien (fin-oct. Cap-aux-Oies).
En vol, le dessus des ailes nous fournit un critère supplémentaire pour distinguer un GAOO d’un GAIS mâle. L’Œil d’or affiche un miroir blanc qui couvre toutes les rémiges secondaires et traverse l’aile jusqu’à son bord d’attaque, joignant une ligne noire de faible épaisseur. L’Islandais arbore plutôt un miroir blanc moins large, limité à 7 rémiges secondaires, dont la base présente une barre noire, qui est d’ailleurs visible même l’aile repliée sur un oiseau au repos. Ce miroir se termine bien avant le bord d’attaque de l’aile, approximativement au milieu de la couverture sus-alaire.
Un mâle de 1er hiver ressemble plus à la femelle (en plus costaud) qu’au mâle pour ces deux espèces. La tache blanche derrière le bec, diffuse en novembre tant chez le GAIS que chez le GAOO, prendra la forme définitive, blanche et nette durant la saison hivernale.



Légende: (1) Un mâle GAOO: tache ovale, bec long, front fuyant. (2) Grand miroir blanc avec seulement une mince ligne noire au bord’attaque de l’aile et à la base des secondaires. L’oiseau à droite est une adulte, celui à gauche, un mâle de 1ère année. comme en témoignent le début de tache derrière le bec, la nuque qui tend vers le blanc et le miroir sur l’aile qui n’est pas entièrement blanc. (fin-novembre) (3) Mâle GAOO 1er hiver: tache pas blanc pur, oeil terne, encore du noir sur les flancs. (mi-janvier)
Les femelles
Il est nettement plus difficile de distinguer les femelles de ces deux espèces, et presqu’impossible d’identifier une femelle hybride. En effet, l’identification repose sur la conjoncture de critères plutôt subtils, qui se concentrent pour l’essentiel sur la tête. Nous nous limitons ici à leur apparence entre novembre et avril.
- À l’instar du mâle, la femelle du GAIS a généralement un front qui monte de façon plus abrupte que celui de la GAOO, qui est plus fuyant, se prolongeant dans l’axe du bec. La courbe du front culmine généralement devant ou au-dessus de l’oeil du GAIS et la couronne est plus aplatie, alors que cette courbe frontale aboutit derrière l’oeil joignant la couronne plus arrondie de la GAOO. Enfin, ces configurations donnent à la tête de la GAIS une forme ovale encore plus perceptible quand l’oiseau a la tête sèche, car ses plumes derrière la tête prennent de l’amplitude. Chez sa cousine, la configuration de la tête lui donne une forme arrondie, sans plumes ébourifées.
- Le bec de la GAIS est plus court, plus épais et et triangulaire que celui de la GAOO. L’hiver, il est entièrement jaune orangé – orange citrouille, comme disent di Labio et coll. – à l’exception d’une base ambrée et d’un onglet foncé chez la GAIS, alors que la GAOO adulte n’a généralement que la pointe du bec jaune, le reste du bec et l’onglet étant foncés. Ce critère de couleur du bec ne permet pas de séparer sans erreur la GAIS de la GAOO. En effet, certaines GAOO affichent un bec jaune dominant, incluant l’onglet (,Eadie et coll.) qui n’est cependant jamais aussi orange que celui de la GAOO et les immatures de GAIS peuvent avoir un bec bicolore au début de l’hiver. Néanmoins, la découverte d’une femelle garrot au bec entièrement jaune nous indique qu’il faut porter notre attention sur cet individu qui a une forte probabilité d’être une GAIS, une rareté dans notre région.
- La tête de la GAIS est d’un brun chocolat plus foncé que celle de la GAOO.






Légende: (1) Femelle GAIS: bec jaune et triangulaire, tête de forme d’ellipse, d’un brun chocolat foncé, front abrupte culminant au-dessus de l’oeil. (2) Femelle GAOO en été: bec noir, tête brun pâle, front fuyant (Fin-juil.) (3) GAOO en hiver: bec noir à pointe jaune, front fuyant. (4) Trois femelles GAIS (à gauche du groupe). (mars) (5) Femelle GAIS (gauche) avec mâle (mars) (6) Femelle GAIS: bec jaune, fort, court et triangulaire bien visible. Tête elliptique. Individu qui plongeait constamment (fin-nov.-début déc.).
En vol, l’observation du dessus des ailes des femelles permet également de distinguer une espèce de l’autre. Comme pour les mâles, la femelles GAOO présente un miroir blanc qui rejoint une ligne noire au bord d’attaque de l’aile. Ce large miroir blanc est divisé en trois rectangles par une ligne noire. Chez la GAIS, le miroir est plus étroit et divisé en deux rectangles avec une barre large et noire à la base des rémiges secondaires. Le miroir se termine environ au centre de la couverture sus-alaire.
Les femelles immatures, comme d’ailleurs le mâle en éclipse, ressemblent aux femelles adultes. La présence d’un collier blanc permet de distinguer, en automne surtout, une femelle de 1ère année, de l’adulte. Pour les deux espèces, l’oeil d’une femelle de 1ère année est plus grisâtre ou jaune olive et terne alors que celui de l’adulte est blanc jaune brillant. Leur tête est plus petite et d’un brun plus pâle. Le bec noir ne change de couleur que plus tard dans l’hiver, et leur couleur est jaune ou olive plus terne. La configuration de la tête des 1ère année diffère de celle des adultes. Les différences interspécifiques sont plus subtiles. Il est de toute évidence difficile de les distinguer.
Les hybrides
Chez un hybride, nous retrouvons un mélange des caractéristiques du GAIS et du GAOO, tant pour les mâles que pour les femelles. En comparaison d’un mâle GAIS sur les photos d’hybrides disponibles sur eBird, nous observons parfois que la tache derrière le bec du mâle est plutôt ronde, que le front n’est pas si abrupte, que la ligne entre la poitrine et l’abdomen manque ou est très réduite, que les « notes blanches » ne reposent pas sur une ligne noire, entière et épaisse, et enfin, que les notes noires entre les blanches sont plutôt minces, pafois réduites à un trait.
Pour conclure
Comme pour toute identification, il faut valider plusieurs critères pour confirmer l’espèce à savoir s’il s’agit d’un GAIS, d’un GAOO ou d’un hybride. De plus, comme les observations se font souvent de loin dans des conditions difficiles avec des individus très actifs, une photo, même passable peut permettre de trancher. Et c’est encore mieux quand la mention est accompagnée d’une description efficace au terme d’une observation soutenue.
Références
Di Labio, B., R. Pittaway et P. Burke (1997) Bill Colour and Identification of Female Barrow’s Goldeneye. Ontario Birds 15(2): 81-85. En ligne
Eadie, J.M., J.-P.L. Savard et M.L. Mallory (2020) Barrow’s Goldeneye (Bucephala islandica), version 1.0. In Birds of the World (A. F. Poole and F. B. Gill, Editors). Cornell Lab of Ornithology, Ithaca, NY, USA. https://doi.org/10.2173/bow.bargol.01 (Disp. aux membres seulement)
Sibley, D. (2010) Distinguishing female Barrow’s and Common Goldeneyes. En ligne
