Un moineau n’est pas un bruant. S’ils semblent apparentés, ils appartiennent à des familles différentes: les moineaux à celle des Passéridés et les bruants, à celle des Passerellidés (anc. Embérizidés). Dans cet article, je vous propose quelques trucs pour mieux les différencier.
Texte et diagramme de Pierre André. Photos de Pierre André et Luc Laberge. Version révisée à la lumière de la plus récente nomenclature, merci à Gérard Cyr.
Pour encore beaucoup de Québécois, tous les petits oiseaux bruns sont des moineaux. Et pourtant! Il y a tant d’espèces différentes d’oiseaux bruns, chacune ayant ses propres caractéristiques. Elles peuvent appartenir à plusieurs familles, dont celle des Passéridés (les moineaux) et celle des Passerellidés (les juncos, les tohis et les bruants). Je vous présente ici le moineau domestique, le seul Passéridé du Québec et une des deux espèces de cette famille (avec le moineau friquet) qui se soit adaptée en Amérique du Nord. Après les présentations, je soulignerai quelques caractères qui distinguent le moineau domestique (Passer domesticus) des bruants.
Le moineau domestique
Le moineau domestique est une espèce de l’Ancien monde, originaire d’Eurasie, qui fut introduite d’abord à Brooklyn (NY) en 1851, puis dans les années 1870 à San Francisco (CA) et à Salt Lake City (UT) (allaboutbirds.org). Aujourd’hui, cette espèce est commune en Amérique du Nord, à l’exception de l’Alaska et du Nord canadien. Les travaux réalisés dans le cadre du Deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional montrent bien comment le moineau est inféodé aux peuplements humains, tant des villes que des campagnes (fermes et villages). Toujours au Québec, selon les données BBS, la population aurait chuté de 70% entre 1990 et 2014 (Atlas, p. 450). Le moineau domestique n’en demeure pas moins une espèce commune le long des grands axes de développement.
Le moineau est de la taille d’un bruant chanteur ou d’un junco ardoisé. Sa longueur totale varie de 14,7 à 17 cm. Le poids des adultes est d’environ 28,5 grammes. Les individus des deux sexes sont bruns au dos rayé, avec un bec conique, fort et épais, et des pattes courtes. La large barre alaire antérieure blanchâtre est remarquable. Les moineaux ont une forme plutôt arrondie en comparaison des bruants. Ceci dit, mâles et femelles diffèrent considérablement en toutes saisons.
Le chant du moineau est des plus caractéristiques, ce qui permet de le distinguer sans difficulté de celui des bruants et des autres espèces avec lesquelles il partage son habitat. Je vous invite à l’écouter en cliquant ici. Le moineau pépie et son répertoire est peu varié. Il y a le tchirup ou tchirip, répété 2 ou 3 fois; le tchip, un cri typique d’une note unique; le chuintement, constitué d’une série de tch prononcés durant 1 à 2 secondes; et le quo-quo nasillard répété deux fois, sinon plus (Stokes). Lors d’une prochaine promenade, amusez-vous à repérer ces différents cris.
Moineau domestique – mâle (mars 2020) Moineau domestique – femelle (mars 2020)
Le mâle se distingue facilement de la femelle. En plumage nuptial, il présente un large sourcil marron foncé avec un petit point blanc derrière l’œil, sourcil qui contraste avec ses joues grises pâles et un collier blanchâtre. Le bec et le lore sont noirs, tout comme d’ailleurs le menton. Le moineau affiche sur la tête une large ligne grise qui part du bec et couvre le front et la calotte. La nuque est marron. Le ventre et les côtés de la poitrine sont unis, sans rayures, d’un gris pâle. La poitrine est munie d’une bavette noire dont la taille s’agrandit en fonction de la dominance de l’individu dans le groupe. En automne et en hiver, la bavette semble délavée, le bec est pâle et l’oiseau est généralement plus brunâtre.
Il est possible d’observer deux autres espèces de petits oiseaux bruns à bec conique qui ont une bavette noire. Le premier est le dickcissel d’Amérique dont la nidification se limite à l’Est des États-Unis, au sud des Grands lacs. Ces oiseaux migrent en grand nombre et hivernent en Amérique du Sud.. Le second est le bruant à face noire, une espèce qui niche dans le Nord-Ouest canadien, principalement au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest. Ce bruant passe l’hiver dans le Sud des États-unis et au Mexique.. Ces deux espèces ne nichent pas au Québec et leur rencontre est inusité, l’une comme l’autre ne faisant en moyenne qu’une apparition fort courue des ornithologues aux trois ans (eBird).
La moinelle a le ventre et la poitrine unie de couleur beige délavé. Son dos rayé est d’un brun plus terne que chez le mâle. Elle n’a pas de ligne grise sur la tête, pas plus que de marron foncé ou de noir. Son sourcil chamois pâle, contenu par des lignes brunes et ternes, s’étend du dessus des yeux jusqu’à la nuque. Pour leur part, les jeunes ressemblent aux femelles. Les jeunes mâles perdent progressivement leurs sourcils chamois pour faire place au pattern typique des adultes.
Ce qui distingue le moineau domestique des bruants du Québec
Alors, quels sont les critères qui permettent de distinguer un moineau d’un bruant? Comme le famille des Passerellidés (anc. la famille des Embérizidés) comprend de très nombreuses espèces de bruants, nous examinerons ces caractéristiques au niveau du genre. Par ailleurs, dans cette famille, les mâles et les femelles sont semblables, contrairement aux Passéridés.

(inspiré de Paquin et Caron 1998)
Pour répondre à cette question, nous nous intéresserons à trois parties du corps des petits oiseaux bruns au bec conique: la poitrine, la tête et la queue (voir le diagramme).
- Questionnons-nous d’abord sur la poitrine (au centre du diagramme). Si elle porte une bavette noire, quelle soit très évidente (au printemps et en été) ou plutôt estompée (en automne et en hiver), nous avons affaire fort probablement à un moineau mâle, un Passéridé, le Passer domesticus. À l’exception du rare bruant à face noire, qui ne niche pas au Québec, tous les bruants ont la poitrine unie ou rayés, mais pas munie d’une bavette.
- Si la poitrine est rayée, regardons la queue: est-elle courte ou longue? Les genres Ammodramus, Ammospiza et Centronyx regroupent des espèces à queue courte qui sont peu fréquentes sur l’ensemble du territoire québécois. Le groupe à poitrine rayée et à queue longue se composent d’espèces plus communes, qui appartiennent à quatre genres : Melospiza, Passerculus, Passerella et Pooecetes.
- Si la poitrine est unie, examinons la tête, en nous attardant en particulier aux sourcils et à la calotte. Trois groupes se distinguent à cet égard. Il y a d’abord deux espèces qui ont sur la tête des rayures noir et blanc relativement larges. Elles appartiennent au genre Zonotrichia. Il y a ensuite celles qui ont une calotte rousse, qui appartiennent au genre Spizella, à l’exception du B. hudsonien, du genre Spizelloides, du B. des marais, du genre Melospiza (le même que le B. chanteur et le B. de Lincoln). Enfin, si la calotte unie est brune et le sourcil chamois pâle, nous avons affaire à une moinelle, car seule le genre Passer présente cette caractéristique.
En terminant, je vous invite à faire le petit quiz qui suit, question de pratiquer les genres de bruants. À vos guides! Vous trouverez le solutionnaire sous les références.
Pour lire un autre article sur les bruants, cliquez-ici
Quiz
À quels genres appartiennent ces oiseaux? Lequel n’est pas un Passerellidé?
#1 #2 #3 #4 #5 #6 #7 #8
Références
Godfrey, W.E. 1986. Oiseaux du Canada (éd. révisée). Musée national des sciences naturelles, Musées nationaux du Canada.
Paquin, J. et G. Caron 1998. Oiseaux du Québec et des Maritimes. Michel Quintin.
Robert, M. et a. (dir.) 2019. Deuxième atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional. Regroupement
QuébecOiseaux, Service canadien de la faune (Environnement et Changement climatique Canada) et Études d’oiseaux Canada, Montréal.
Stokes, D.W. 1989. Nos oiseaux. Tous les secrets de leur comportement. Tome I, Éd. de l’Homme.
Solutionnaire du quiz: #1: Zonotrichia (B. à couronne blanche. #2: Melospiza (B. chanteur). #3: Passerculus (B. des prés. #4: Spizella (B. familier). #5: Ammospiza (B. de Nelson). #6: Passer (Moineau domestique). C’est l’intrus, le Passéridé.. #7 Pooecetes (B. vespéral). #8: Passerella (B. fauve).