Ornitho 101 – Sizerin flammé ou sizerin blanchâtre ?

Les sizerins flammés et blanchâtres se reproduisent, en été, dans l’arctique. L’hiver venu, le premier migre vers le sud. Lorsqu’il y a beaucoup d’individus dans le Québec méridional, il arrive que quelques blanchâtres se mêlent aux groupes. Comment les distinguer?

Texte de Pierre André. Fiche de Luc Laberge. Photos de Luc Laberge et Pierre André

Espèces holarctiques, le sizerin flammé (Acanthis flammea) et le sizerin blanchâtre (Acanthis hornemanni – À la Une_) passent l’été dans l’Arctique, se reproduisant vraisemblablement dans huit pays, dont le Canada incluant le nord québécois, en Nunavik et Eeyou Istchee. Si la reproduction du blanchâtre est absente du Québec méridional, Poulin (2019), dans l’Atlas des oiseaux nicheurs du Québec méridional (2e éd.), fait état de quelques observations,

« dans des secteurs situés à haute élévation, que ce soit en Gaspésie, dans le massif du lac Jacques-Cartier ou dans l’arrière-pays de la Côte-Nord ». Et il ajoute, « Il s’y trouve des milieux ouverts parsemés de conifères rabougris et d’arbustes, analogues à ceux où l’espèce niche plus au nord ».

Cet hiver 2020-2021 est marqué par une irruption de sizerins. En outre, les sizerins blanchâtres sont bien présents, nous dit Ryan F. Mandelbaum du Finch Research Project. L’occasion est belle pour apprendre à mieux les différencier.

Du même projet de recherche, Matthew A. Young présente une intéressante analyse photographique des sizerins au terme de laquelle, il identifie des critères permettant de différencier le S. blanchâtre du S. flammé. Ces critères, qui convergent évidemment avec ceux que l’on retrouve dans les guides d’identification, sont regroupés, par ordre de priorité, en trois catégories.

Les critères primaires sont au nombre de trois. Il s’agit des sous-caudales entièrement blanches, du croupion blanc bien propre et du dessus du corps givré. L’observation sur un même individu de ces trois critères confirme l’identification d’un S. blanchâtre.

Les critères secondaires sont à prendre avec plus de précautions. Il y a d’abord le bec plus petit en apparence du S. blanchâtre. Celui-ci est court et trapu donnant au front une apparence plus abrupte. Ce critère s’applique principalement aux femelles, car il y a un chevauchement de la taille du bec chez les mâles de ces deux espèces. Il y a ensuite les stries sur les flancs qui sont plus vaporeuses et amincies chez les blanchâtres. Mais attention, les femelles immatures de blanchâtre peuvent être assez striées sur les flancs, comme d’ailleurs sur les sous-caudales. Et les femelles immatures de flammés peuvent avoir des stries très vaporeuses sur les flancs et des sous-caudales très blanche.

Les critères tertiaires, au nombre de cinq, sont encore moins fiables. (1) la face délavée ocre ou chamoisée, ce qui semble assez courant chez les femelles blanchâtres. (2) la face rose pâle chez les mâles de blanchâtre en allant au rougeâtre chez les flammés. Mais prudence, les blanchâtres peuvent être plus rouge au printemps, avec l’usure des plumes, tout comme les flammés d’ailleurs. (3) Le cou est plus épais, un trait plus perceptible chez la sous-espèce Hornemanni. (4) La bande allaire est plus large et blanche chez le blanchâtre. (5) Les individus de blanchâtres sont, dans l’ensemble, plus petits que les flammés.

La fiche suivante, produite par Luc Laberge résume l’essentiel pour comparer ces deux espèces. Pour mieux comprendre la complexité taxinomique du genre Acanthis, le lecteur intéressé est invité à prendre connaissance du texte qui suit.

En 1985, Declan M. Troy a comparé des dizaines de sizerins en plumage estival (l’article de Troy). Il a démonstré qu’il est possible de trouver des individus tout le long d’un gradient allant des plus foncés (les S. flammés) aux plus pâles (les blanchâtres). Il en conclut qu’il s’agirait de formes d’une seule et même espèce. Ses critères étaient le croupion, les sous-caudales et les rayures des flancs. D’ailleurs, David Sibley estime qu’en concentrant les observations de S. blanchâtres aux individus les plus blancs, on sous-estime cette espèce et, conséquemment, on sur-estime les S. flammés. En outre, en 2015, Gustav Axelson sur Allaboutbirds.org se demande combien il y a d’espèces de sizerins. Une séquence photo illustre bien le continuum démontré par Troy.

En 2008, dans la foulée de Troy, Sibley propose un indice de caractéristiques physiques qui pourrait permettre de classer les sizerins selon l’espèce. Il a retenu les mêmes critères de croupion, sous-caudales et flancs. Les personnes intéressées peuvent accéder directement à la figure qu’il a produite en cliquant ici.

En 2015, Mason et Taylor ont analysé le génome de ces deux espèces. Ils arrivent à la conclusion qu’elles ne présenteraient pas de différences dans la composition de leur ADN, bien que des gènes soient associés à la morphologie du bec et du plumage. Par ailleurs, bien qu’elles se reproduisent toutes deux dans l’Arctique, le S. blanchâtre et le S. flammée fréquentent pas les mêmes habitats, et le premier serait plus nordique. Cet extrait du texte de Gustav Axelson sur Allaboutbirds.org explique bien la situation exposée par Mason et Taylor:

In other words, the variation we see in plumage and size is probably not a matter of genetic variation, but of genetic expression. It’s kind of like how two humans might have the same gene for brown hair, but one person’s might be lighter than the other’s—that gene is being expressed differently. In the same way, Hoary and Common Redpolls have remarkably similar sets of genes, but those genes are expressed differently, causing the plumage and bill-shape differences we see.

En 2017, l’American Ornithological Society a évalué, une proposition à l’effet de les fusionner les blanchâtres et les flammés en une seule et même espèce. L’organisme, qui agit comme autorité reconnue en Amérique du Nord pour établir la liste des espèces, a rejeté cette proposition… À tout le moins pour l’instant.

Distinguer les sizerins demande de la pratique et un sens aiguisé de l’observation. L’évaluation est tout à fait subjective. Il faut rechercher la combinaison des critères qui permet de trancher, des critères qui varient par ailleurs au fil de la saison autant qu’avec le point de vue de l’observateur sur l’oiseau, la lumière ambiante et le degré d’exposition des photos. Comme le dit si bien David Sibley dans un article publlié sur son blog en 2020, et bien que l’on comprenne combien il est difficile de photographier les sizerins:

I would urge photographers to try to include several redpolls in each image so that any Hoary candidates can be compared to adjacent birds under identical conditions.

RÉFÉRENCES consultées par Luc pour la fiche

Cornell Lab of Ornithology. BIRDS OF THE WORLD.
National Geographic Society. OISEAUX D’AMÉRIQUE DU NORD. Broquet.
Peterson R. LES OISEAUX DU QUÉBEC et de l’est de l’Amérique du Nord.
Sibley THE SIBLEY GUIDE TO BIRDS
Stoke. STOKES FIELD GUIDE TO THE BIRDS OF N. AMERICA

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                           

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