Mise à jour au 14 juin 2021.
Des pics chevelus au bec démesurément long. Des becs en ciseaux ou aux parties inégales. Plusieurs ornithologues du Québec ont observé des oiseaux au bec déformé. Les causes de ces déformations sont nombreuses. De récentes études ont mis en évidence une cause supplémentaire: le trouble de la kératine aviaire (AKD).
Par Pierre André (biologiste) avec la collaboration de Céline Picard (biologiste) et Jean Bertrand (vétérinaire)
Témoignages et photos de Jean Krashevski, Alexandre Terrigeol, Guy Michaud, Michel Renaud (COHL), Diane St-Georges, Jean-Michel Nadeau, Micheline Bisson, Alain Sylvain, Richard Guillet, Vincent Létourneau, Martin Nobert, Suzanne Maillé, Sophie Bérubé, Lory-Antoine Cantin, Ronald Etline, Claude Desmarais, Nathalie Lessard, Lyne Dubé
Les troubles de kératine aviaire
Un bec d’oiseau se compose d’une partie osseuse et d’un tégument. L’ossature comporte une partie supérieure bien soudée au crâne et une inférieure mobile. L’une et l’autre sont jointes par des muscles. Le tégument, fait de kératine, recouvre ces deux parties osseuses. Il croît constamment et, en s’alimentant et frottant son bec pour le nettoyer, l’oiseau l’use, le tout à un rythme favorisant l’équilibre de la structure. Au fil de millions d’années d’évolution, les becs se sont adaptés pour répondre le mieux possible aux besoins des oiseaux. Cela en a diversifié les formes au grand plaisir des amateurs.
Ces becs sont sujets à une diversité de traumatismes et d’infections. Les troubles de kératine aviaire (AKD – Avian Keratin Disorder) préoccupent des chercheurs. Ils se traduisent en des becs longs et souvent déformés. L’épithélium kératinisé croît à un rythme démesuré par rapport à la vitesse à laquelle il s’use.
L’étiologie de l’AKD est mal connue. Si, à la fin des années 1990, les chercheurs soupçonnaient des causes variées comme une infection bactérienne, une mycose, une grippe aviaire ou une séquelle de l’exposition à un contaminant, maintenant leur regard se porte vers le Poecivirus, nommé ainsi en raison de la découverte du premier cas sur une mésange (Pœcile atricapillus). Ils savent encore peu de choses sur ce virus qui n’a jamais été isolé. Grâce à la génomique, les chercheurs ont constaté, en analysant des becs infectés, que les oiseaux affectés présentaient tous une même séquence d’acides aminées (ARN viral), qu’ils ne retrouvaient pas chez les individus sains. En 2020, ils ont diagnostiqué un AKD chez plus de 40 espèces d’oiseaux différentes. En Alaska, la prévalence de l’AKD chez la mésange serait de l’ordre de 6,5%, et chez la corneille d’Alaska (Corvus caurinus), elle atteindrait les 17%. Les experts considèrent, après une dispersion du virus sur la côte Ouest, que cette infection serait présente à l’échelle nord-américaine. L’AKD existe également en Europe avec plus de 30 espèces touchées au Royaume-Uni.
Petit répertoire québécois
Ce répertoire est en construction dans le but de documenter les cas possibles d’AKD au Québec. Évidemment, en aucun cas, nous ne sommes en mesure de confirmer que ces déformations sont liées au Poecivirus. Il pourrait aussi s’agir des conséquences d’un traumatisme, par exemple. Pour confirmer cela, comme me le faisait remarquer Stéphane Lair, il faudrait procéder à des analyses pathologiques.
Vous pouvez toujours nous soumettre vos observations.
Avertissement – Ces photos pourraient déranger certaines personnes. Âmes sensibles s’abstenir.
Pour rapporter un oiseau possiblement infecté, mort ou vivant, le vétérinaire Stéphane Lair suggère de rejoindre le Réseau canadien pour la santé de la faune. Cherchez le centre régional le plus proche à l’adresse : http://www.cwhc-rcsf.ca/
Depuis avril 2021, à St-Mathieu-du-Parc (Mauricie), Lyne Dubé me rapporte: « J’observe depuis le printemps un PIC chevelu que l’on a surnommé PIC-Nocchio à cause de son bec. » Le court extrait vidéo permet de voir la difficulté qu’il a à s’alimenter.
Mai 2021 Avril 2021
Le 6 mai 2021, à La Prairie (Montérégie), Alain Sylvain a observé ce merle d’Amérique qui a la partie supérieure du bec allongé et en forme de crochet.

Le 5 mai 2021, à Notre-Dame-du-Mont-Carmel (Mauricie), Nathalie Lessard a observé et photographié une Sittelle à poitrine blanche, qui avait la mandibule inférieure deux fois plus longue que la supérieure, en plus d’être recourbée vers le haut.

Le 1er mai 2021, dans la Réserve naturelle Marie-France Pelletier à Joliette (Lanaudière), Claude Desmarais a photographié ce pic flamboyant. Il a douligné dans son courriel que: « Le sujet se déplaçait dans le boisé en émettant son cri. Il s’est arrêté un instant en haut d’un arbre mort. Il me semble avoir entendu un autre individu autant que je me rappelle… ».

Février 2021 à Chertsey (Lanaudière). Céline Picard et Jean Krashevski reçoivent la visite quotidienne à leur mangeoire d’un pic chevelu mâle au bec démesurément long, digne de la tirade de Cyrano. En fait, le bec est si long que la langue de l’oiseause se rend à peine au bout. Cyrano peine à s’alimenter. D’autres pics chevelus mâles semblent plus agressifs envers lui qu’envers leurs congénères.

Janvier 2021 dans les Laurentides. Stéphane Lair de la Faculté de médecine vétérinaire a recueilli le témoignage de la présence d’une sittelle à poitrine rousse au bec déformé, observation qui lui fut rapportée par Julie Leclerc.
23 janvier 2021 à Marieville (Montérégie) Lory-Antoine Cantin a photographié ce Junco ardoisé à ses mangeoires. « Il s’alimentait quand même bien », nous dit Lory.
Janvier 2021 à Brébeuf (Laurentides) « Un pic chevelu mâle avec un bec anormalement long a été observé aux mangeoires de Martin Nobert le 1er janvier et revu régulièrement jusqu’au 6 février. Selon les photos transmises le même oiseau a été vu le 6 février à 8 h 20 chez Suzanne Maillé et à 10h30 chez Martin Nobert. Entre les deux résidences, il y a une distance de 1,8 km et la rivière Rouge », nous a rapporté Michel Renaud.
Septembre 2020 à St-Michel-des-Saints (Lanaudière) Tout au long de l’automne, José Gagnon et Alain Sylvain observent à leurs mangeoires une sitelle à poitrine rousse différente des autres. Alain la décrit ainsi: Non seulement son bec était disproportionné, mais l’oiseau aussi nous semblait plus gros que ses congénères et elle était très agressive envers ces derniers.de forte taille par rapport aux autres. Son bec est plus long que normal. L’individu est aussi plus agressif.
8 juillet 2019 à Montréal (Montréal) Jean-Michel Nadeau a photographié au Parc des Rapides-de-Lachine un carouge à épaulettes. Le bec est vraiment un peu plus long, dit-il.

3 février 2019 à Trois-Rivières (Mauricie) Micheline Bisson photographie une sittelle à poitrine blanche. Le 20 mars 2013, c’était un étourneau sansonnet et le 23 avril 2007, une tourterelle triste. Tous ces oiseaux présentaient des malformations du bec.



2 avril 2017 à Québec (Capitale-nationale) Alexandre Terrigeol a observé durant tout l’hiver au Bois-de–Coulonges une paruline à croupion jaune avec la mandibule supérieure passablement cassé et la mandibule inférieure allongée.

10 décembre 2015 à Mont-Laurier (Laurentides) Michel Renaud se rappelle qu’une dame a rapporté au COHL, une Sittelle à poitrine rousse qui avait un bec 2X à 2.5X la longueur habituelle. La dame le comparait à un bec de colibri.
Mai 2015 à Ste-Flavie (Bas-St-Laurent) Guy Michaud a rapporté des oiseaux photographiés par Sophie Bérubé: un étourneau sansonnet en mai et, en mars, une tourterelle triste, tous les deux au bec déformé.


11 octobre 2014 au Parc National du Mont-Tremblant (Laurentides) Michel Renaud a observé lac Monroe un plongeon huard avec un bec « en ciseau, gauche – droite ». Il rapporta l’observation sur eBird – feuillet S20332243
22 janvier 2012 à Amherst (secteur Vendée) (Laurentides) Le COHL a reçu ces photos prises par Ronald Etline d’une sittelle à poitrine rousse avec un bec long et croisé. Merci à Michel Renaud de nous avoir transmis l’information.
Janvier 2011 à Harrington (Laurentides). Michel Renaud s’est rappelé l’observation de Diane St-Georges. Cette dame avait rapporté un pic chevelu femelle au bec super long. Lucie Brossard rédigea un petit article dans le journal du Club ornithologique des Hautes-Laurentides.
Extrait d’un article de Lucie Brossard publié dans le journal du COHL
Le Centre de la science d’Alaska (USGS) a débuté en 1999 des recherches sur une épidémie d’oiseaux au bec difforme. Ils ont identifié en Alaska plus de 2,000 mésanges à tête noire qui sont affectées par cette anomalie. C’est la plus grande concentration de cette anomalie jamais enregistrée parmi toutes les populations d’oiseaux au monde. Plus récemment, des biologistes et les résidents ont rapporté un nombre croissant d’espèces d’oiseaux, autre que la mésange, ayant le bec croisé ou llongé tels que des corneilles d’Alaska, des pics mineurs, des geais de Steller et des pies bavardes.
Bien que les causes de ce problème ne soient pas encore connues, l’USGS continue ses recherches afin de découvrir les sources potentielles qui pourraient être des contaminants environnementaux, des déficiences nutritionnelles ou la maladie. La plupart des espèces affectées sont des résidents permanents et l’USGS soupçonne que les facteurs responsables de ces difformités soient uniques à l’Alaska et au Nord-Ouest du Pacifique. Les mentions reçues du public les aident énormément.

Bonjour! Je suis tombée sur votre blog en faisant une recherche pour écrire un article dans le journal du COHL sur le Pic chevelu au long bec qui est venu chez moi et chez mon ami Martin Nobert. Michel Renaud m’en avait parlé.
Bravo pour votre article. J’ai juste remarqué au début, il est écrit Martin Robert au lieu de Nobert. Sous la photo il est bien écrit.
Accepteriez-vous que je mette le lien avec votre blog dans mon article?
J’aimerais en parler aussi sur le Facebook du club après que notre journal sera sorti.
Merci
Suzanne Maillé
J’aimeJ’aime
Bonsoir Suzanne. C’est fou. Je viens tout juste de le rendre public et sans l’avoir publicisé. Je comptais en aviser Michel Renaud tôt demain matin. Merci pour la correction du nom de M Nobert. Je vais corriger à l’instant. Bien sûr que vous pouvez citer mon blog. Si vous vouliez attendre mardi pour FB, ça me permettrait d’en informer tous mes collaborateurs de témoignages et photos. Au plaisir de vous lire et merci pour vos bons mots. Salutations, Pierre
J’aimeJ’aime