Par Pierre André, Ph.D.
C’était samedi, à Kigali. Dans la nuit du 14 au 15 octobre, les États membres participant à la 28e conférence des Parties au Protocole de Montréal ont adopté un important amendement en vue de réduire significativement les émissions d’hydrofluorocarbones (HFC). Ce faisant, ils corrigeaient un effet pervers de ce Protocole adopté en 1987.
À la suite de la découverte d’un imposant trou dans la couche d’ozone, la communauté internationale identifiait principalement un coupable, les chlorofluorocarbones (CFC). Elle adoptait des mesures pour en arrêter l’usage et conséquemment reconstruire cette couche gazeuse qui intercepte les rayons ultra-violet et, ce faisant, prévient le cancer de la peau. Heureusement, il existait des substituts aux CFC, les producteurs de ce gaz étaient peu nombreux et les équipements à modifier bien définis.
Le succès est indéniable. Le Protocole, ratifié à ce jour par 197 Parties, a conduit à la diminution de 98% de la production et de l’utilisation de produits chimiques nuisibles à l’ozone. Il a également permis de réduire le trou d’une superficie égale à celle de l’Inde, comme le faisait remarquer le journal Le Monde. Il permettra d’éviter annuellement environ deux millions de cas de cancer de la peau d’ici 2030. Enfin, les CFC étant un gaz à effet de serre, il a contribué à atténuer le changement climatique. Malgré les efforts consentis, la couche se reconstruit seulement au rythme d’environ 1% par année, ce qui permettrait d’envisager une reconstruction complète au-delà de 2065.
Les substituts privilégié aux CFC étaient alors les HFC. Ces gaz sont utilisés comme réfrigérants, pour la climatisation, dans les aérosols et comme mousse isolante. Selon l’Institute for Gouvernance & Sustainable Development (IGSD), les HFC connaissent une croissance fulgurante, de l’ordre de 10 à 15% par année, ce qui en ferait le gaz à effet de serre dont l’usage croît le plus rapidement dans le mondée. Ils sont également de puissants gaz à effet de serre. En fait, leur puissance est 14 000 fois supérieure à celle du dioxyde de carbone. De plus, ils dégradent aussi la couche d’ozone.
L’amendement de Kigali marque l’aboutissement de 7 ans de négociations. Il prévoit une réduction des émissions de HFC qui débutera dès 2019 dans les pays développés et en 2024 et 2028 pour les pays en développement. À la fin des années 2040, tous les pays ne devraient plus consommer que 15 à 20% de leur consommation actuelle. Selon l’IGSD, en prévenant un rejet équivalent à 1,7 Gt de CO2 d’ici 2030, cet effort devrait permettre de prévenir une augmentation de la température de l’ordre de 0,5 °C d’ici 2100, contribuant ainsi à l’atteinte de l’objectif visé par l’Accord de Paris sur le changement climatique.
L’amendement adopté est historique. Il doit maintenant être ratifié par les Parties signataires. Ce fut décidément un samedi mémorable à Kigali.